Première publication sur Le Monde le 23 juillet 2022
C'est abrupt, mais depuis le début de l'agression militaire russe à grande échelle contre notre pays, le 24 février 2022, nous avons dû apprendre à aller droit au but : Nous avons besoin de votre aide. La guerre continue. Nous le savons : elle ne se terminera pas demain. Face à cette épreuve, le peuple ukrainien fait preuve d'une résistance admirable dont peu de gens, hormis nous-mêmes, nous savions capables.
C'est aussi grâce au soutien international, dans les pays limitrophes comme dans le monde entier, que les Ukrainiens trouvent la force de continuer à se battre pour exister, en tant qu'individus et en tant que nation. Ce combat est aussi celui de la paix en Europe, des valeurs de la démocratie et de l'avenir de nos enfants sur notre continent.
Plus que jamais, nos destins sont liés. Les pertes, matérielles et humaines, sont immenses. Certaines de nos villes ont été rasées. Certaines de nos régions sont occupées par les chars russes. Plus d'un quart de notre population a soudain dû fuir, en Ukraine même ou à l'étranger. A l'échelle de la France, cela représente plus de 17 millions de personnes.
Nous résistons, nous nous battons, nous vivons
Nos enfants sont constamment malades d'angoisse et les cauchemars peuplent leurs nuits. Nos mères ont constamment peur que leurs enfants soient encore plus traumatisés, que leurs maris soient tués au front. Nos femmes, quand elles trouvent la force d'écouter, racontent les atrocités qu'elles ont subies. Nos civils qui ont eu la malchance de rencontrer l'armée russe témoignent de l'extrême brutalité qui les vise, et de la mort.
Nos rêves d'hier sont brisés, ceux d'aujourd'hui nous auraient fait sourire il y a quatre mois : pour certains d'entre nous, obtenir une boîte de viande nous procure autant de joie que la découverte d'un trésor l'aurait fait à l'époque, nous sommes heureux de simplement joindre un parent en territoire occupé et d'entendre "bonjour", et nous réveiller le matin en vie et dans un bâtiment intact ressemble à un miracle.
Malgré tout, nous résistons, nous nous battons, nous vivons. Pour continuer à le faire, nous disons simplement à nos homologues français, présidents de régions, de départements et d'agglomérations, maires de villes et de villages : "Nous avons besoin de votre aide. Les efforts que vous avez déployés depuis le 24 février, avec la société civile et l'Etat, sont admirables.
La nécessité d'un "prykhystok", d'un asile, d'un refuge
Votre solidarité dans l'action a permis d'accueillir plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens, de nous apporter un soutien matériel et un soutien moral tout aussi indispensables l'un que l'autre. Vous avez honoré les valeurs fondamentales de la République française, qui sont aussi les nôtres. Pour cela, nous avons pour vous la plus profonde gratitude.
Malheureusement, nous sommes obligés de vous demander plus. L'émotion des premières semaines s'estompe, mais les combats continuent et la situation s'aggrave. Nos besoins sont immenses et croissent de manière exponentielle. Ils varient d'une zone à l'autre et, en plus du matériel de défense, vont des draps de lit à l'eau potable, des sous-vêtements aux matériaux de construction, des médicaments anti-allergiques aux emplois à distance pour les personnes soudainement sans emploi et souffrant de l'inflation, des conserves de poisson au shampoing pour bébé.
De nombreux civils ont besoin d'un "prykhystok", d'un asile, d'un abri, d'un refuge. Pour une courte durée, afin de "respirer" loin des horreurs de la guerre, ou pour une période plus longue, avant de retourner reconstruire le pays. Mieux les informer sur les conditions d'accueil et identifier ensemble en amont les territoires susceptibles de les accueillir serait bénéfique pour tous.
Aide d'urgence pour les enfants en Ukraine
Voici une première demande précise : quelques semaines de répit en France pour des enfants d'Ukraine, orphelins ou issus de familles pauvres, loin du front militaire et des tensions. On le sait, le fonctionnement habituel des institutions locales rend difficile de répondre à ces demandes dans les délais impartis.
Il y a les rythmes des commissions, les procédures de constitution des dossiers, les processus de délibération, les autres sujets de mobilisation des services, les vacances. Nous le comprenons, car c'est aussi ainsi que nous avons fonctionné par le passé. Malheureusement, nous ne sommes pas dans une situation habituelle. C'est la guerre. Nous avons appris à nous adapter pour mener à bien notre mission au service du bien commun, au plus près des gens, comme vous.
Nous ne vous demandons pas d'agir comme si la France était elle aussi attaquée militairement, mais de prendre en compte la violente réalité du terrain pour apporter l'aide concrète dont les Ukrainiens ont besoin. Nous savons que vous pouvez le faire, nous savons que vous le ferez. De là où nous sommes, à quelques heures de distance, nous comptons sur vous.
Ensemble, nous soulagerons les souffrances des victimes de la guerre, nous remplirons nos missions communes au mieux de nos capacités et nous apporterons la solidarité entre nos pays pour construire un avenir de démocratie et de paix. Slava Ukraini ! Vive la République, vive la France !
Les signataires de ce document d'opinion sont : Benjamin Abtan, directeur d'Europe Prykhystok ; Anatolii Fedoruk, maire de Butcha ; Vitaliy Kim, chef de l'administration régionale de Mykolayev ; Vitali Klitschko, maire de Kiev ; Kostiantyn Koshelenko, vice-ministre de la transformation numérique ; Maksym Kozytskyy, chef de l'administration régionale de Lviv ; Ruslan Martsinkiv, maire d'Ivano-Frankivsk ; Viktor Mykyta, chef de l'administration régionale de Zakarpattia ; Andriy Raikovich, chef de l'administration régionale de Kirovohrad ; Andriy Sadovyi, maire de Lviv ; Oleksandr Senkevych, maire de Mykolayev ; Serhiy Sukhomlyn, maire de Zhytomyr ; Ihor Terekhov, maire de Kharkiv et des 490 gromadas (collectivités territoriales) de l'Association nationale des gromadas d'Ukraine ; Sergij Morgunov, maire de Vinnytsia ; Ruslan Martsinkiv, maire d'Ivano-Frankivsk ; Kostiantyn Koshelenko, vice-ministre de la politique sociale chargé du numérique ; Serhiy Sukhomlyn, maire de Zhytomyr ; Andriy Raikovich, chef de l'administration régionale de Kirovohrad ; Viktor Mykyta, chef de l'administration régionale de Zakarpattia ; Conseil municipal d'Odessa ; Sergey Zelensky, maire de Lozova ; Volodymyr Borysenko, maire de Boryspil ; Yuriy Bova, maire de Trostianets ; Volodymyr Shmatko, maire de Chortkyv ; Ivan Ilchyshyn, chef de l'administration régionale de Sambir ; Bogdan Yanko, chef de l'administration régionale de Stryi ; Stepan Kulinyak, chef de l'administration régionale de Drohobych ; Yaroslav Komynsky, chef de l'administration régionale de Yavoriv ; Khristina Zamula, chef de l'administration du district de Lviv ; Vasil Markevich, chef de l'administration régionale de Zolochiv ; Andriy Dyachenko, chef de l'administration régionale de Chervonograd ; Oleksandr Simchyshyn, maire de Khmelnytskyi ; Ihor Polishchuk, maire de Lutsk ; Volodymyr Remenyak, maire de Horodotsk ; Maksym Lagodienko, maire de Noviy Bug ; Serhiy Ananko, maire de Smila ; Dmytro Zhivytskyi, chef de l'administration régionale de Sumy ; Viktor Kovalenko, maire de Zolochivska ; Oleksandr Grynchenko, maire de Valkivska ; Oleksandr Moroz, maire de Vysochan ; Pavlo Kyrylneko, chef de l'administration régionale de Donetsk ; Inna Sovsun, députée ; Roman Hryshchuk, député ; Veniamin Unhurian, conseiller régional de la région d'Odessa ; Ihor Yaskevich, chef du département humanitaire de la ville de Horodotsk ; Conseil municipal de Zhytomyr ; Conseil municipal de Kirovohrad ; Conseil municipal de Chernivtsi ; Bogdan Skoropad, conseiller municipal de Zhovkva ; Svitlana Marchuk, conseillère municipale de Rivne ; Tetiana Bei, conseillère régionale de Lviv ; Olena Strilets, сheffe du Conseil municipal de Chernihiv ; Tetiana Carlo, première adjointe au maire de Smila ; Pavlo Holodnikov, chef de la collectivité territoriale de Zmiiv ; Valentyna Konik, chef du district de Dovzhytsk du conseil du village de Zolochiv ; Viktor Simkanych, chef de la collectivité territoriale de Dovzhansk ; Oleksandr Husarov, chef du conseil du village de Pecheneg ; Oleksandr Slavinsky, premier adjoint au maire de Noviy Bug ; Iryna Dontsova, chef de l'ONG "Defense for the sake of victory", ville de Kharkiv